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Russie-Ukraine : pendant les négociations, la guerre continue
Mercredi 12 mars, les délégations ukrainienne et américaine réunies en Arabie saoudite se sont mises d’accord sur une proposition de cessez-le-feu entre l’Ukraine et la Russie. Trump dit attendre désormais la réponse de Poutine et reprend l’aide militaire à l’Ukraine.
Les négociations restent au stade des préliminaires. Leur contenu et leurs résultats dépendront des rapports de force sur le terrain et au niveau international.
Côté militaire, la partie ukrainienne se trouve en situation de plus en plus difficile. D’abord, l’armée russe continue de conquérir régulièrement de nouvelles localités sur le front du Donbass. Mais elle progresse aussi dans d’autres régions tenues par les forces de Kiev, près de Kharkiv et de Soumy, et en Russie même dans le réduit de Koursk.
L’arrêt de l’aide militaire de Washington et, ce qui a eu un effet immédiat, la fin de la fourniture à Kiev de renseignements militaires par le Pentagone ont affaibli fortement l’armée ukrainienne. Et devant le risque qu’elle s’effondre, Zelensky se voit contraint de s’aligner sur ce qu’exige l’impérialisme américain : conclure, sinon la paix, du moins un cessez-le-feu aux conditions qui lui conviennent.
L’ordre de Trump, intimé à Zelensky, de céder à l’Amérique l’exploitation de ses terres rares, des minerais stratégiques indispensables aux industries de pointe, dit clairement ce qu’il en est des buts de guerre américains en Ukraine. D’ailleurs, pas seulement américains car le ministre français de la Défense, Lecornu, a reconnu que la France, qui lorgnait aussi sur une part de ce gâteau, vient d’en être écartée par plus puissant qu’elle.
Et c’est bien de cela qu’il s’agit : de rapports de force entre puissances impérialistes se repartageant le monde, une réalité fort éloignée des balivernes dont les médias nous abreuvent sur un prétendu ralliement de Trump à Poutine.
En fait, ce serait plutôt l’inverse. Quand Trump a forcé la main à Zelensky, Poutine a renchéri. Mais pas pour réclamer de participer au pillage des ressources de l’Ukraine, ce que font de toute façon la bureaucratie russe et ses oligarques dans les zones que leur armée contrôle. Non, dans un communiqué, le Kremlin a offert les terres rares de Russie, « bien plus importantes qu’en Ukraine », aux « investisseurs étrangers », « en particulier américains ».
Ces appels du pied rappellent l’attitude du tsarisme qui, à la fin du 19e siècle, offrait son sous-sol aux capitalistes français, allemands, belges et anglais. Ils se ruèrent alors sur les richesses de l’Ukraine. Cela amorça l’industrialisation à marche forcée du Donbass, parfois qualifié de « dixième province de Belgique », avec une féroce exploitation de sa population ouvrière. Tout un symbole, sa « capitale », l’actuel Donetsk, se nommait alors Youzovka, du nom de l’industriel britannique John Hughes.
D’une certaine façon, l’impérialisme propose aux populations de revenir un siècle et demi en arrière, l’impérialisme américain en tête, car il a le plus de moyens d’imposer sa volonté.
Trump avait commencé par dire qu’il négocierait « tout » avec le seul Poutine ; maintenant ses émissaires s’entretiennent aussi avec Zelensky. Mais avant, le 28 février dans le Bureau ovale, Trump lui a bien fait sentir qu’il ne plaisantait pas quand il déclarait qu’il pouvait « laisser tomber » l’Ukraine. Et en reconduisant les sanctions économiques contre la Russie, Trump tient à montrer au monde, et au Kremlin, qu’il ne se sent lié en rien par les promesses qu’il aurait faites à Poutine.
D’ailleurs, dans les médias russes contrôlés par l’État, l’euphorie des premières semaines du tête-à-tête Trump-Poutine a fait place à une forme de dégrisement. Il n’est plus guère question de se gargariser du mot « partenaire » qui était apparu dans les discours et les articles pour désigner l’impérialisme américain.
Trump, représentant de la première puissance capitaliste de la planète, reste le maître de la situation. Elle est le résultat d’une boucherie qui a déjà fait un million de victimes, morts et blessés, dans les deux camps, semé des mines et des bombes partout, détruisant logements, ponts, écoles, usines, en Ukraine et aussi, grâce au soutien des satellites militaires américains, loin en profondeur sur le territoire russe.