Syrie : al-Charaa au pouvoir dans un pays détruit10/12/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/12/une_2993-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Syrie : al-Charaa au pouvoir dans un pays détruit

Un an après la chute de la dictature de Bachar al-Assad, fêtée en Syrie de façon contrastée, la population reste confrontée aux difficultés quotidiennes et le pays, placé sous la menace des interventions de l’impérialisme et des puissances régionales voisines.

Le 8 décembre 2024, Ahmed al-Charaa prenait le contrôle de Damas, la capitale syrienne, à la tête des milices djihadistes HTC (Hayat Tahrir al-Cham). Ces troupes, qui contrôlaient jusqu’alors la région d’Idlib, constituaient l’une des nombreuses bandes armées qui se partageaient le territoire syrien. Cela faisait suite à treize ans de guerre civile et à la guerre contre l’État islamique, qu’avait menée la coalition internationale dirigée par les États-Unis. Pour mener son offensive, al-Charaa avait bénéficié du soutien de la Turquie, de celui discret mais indispensable des États-Unis et de l’aval de la Russie, qui lâchait opportunément le régime d’al-Assad.

La chute de la dynastie Assad marquait la fin d’une dictature de cinquante ans, symbolisée par les sinistres prisons dans lesquelles des dizaines de milliers de prisonniers politiques ont disparu. D’un côté, elle ouvrait l’espoir de tourner la page d’une guerre qui a fait 500 000 morts, ravagé le pays, poussé plus de quatre millions de Syriens à l’exil, déplacé plus de dix millions de personnes plongées dans le dénuement. De l’autre, elle suscitait la crainte que la dictature des Assad laisse la place à celle d’un seigneur de guerre longtemps inféodé à Al-Qaïda.

Un an plus tard, le pays reste morcelé et des régions entières échappent au pouvoir central. Au nord- est, malgré un accord signé en mars sous la pression américaine, les Forces démocratiques syriennes, à majorité kurde, refusent de se dissoudre dans une armée du régime. Au sud, en plus de ses bombardements fréquents et de ses incursions terrestres, l’armée israélienne occupe une large portion du territoire syrien contigu à la région du Golan, qu’elle contrôle. Elle prétend protéger les Druzes, qui ont plus ou moins fait sécession dans la région de Soueïda. Les divisions ethniques et religieuses, héritées de l’époque du mandat colonial français, aggravées sous le régime népotique des Assad et exacerbées durant les années de guerre civile, restent à vif. C’est ce qu’ont montré les tueries qui se sont traduites par 1 400 morts dans la communauté alaouite en mars, plusieurs centaines de morts chez les Druzes en juillet. Les troupes hétéroclites aux méthodes brutales sur lesquelles s’appuie le nouveau régime, contribuent à jeter de l’huile sur le feu.

Al-Charaa, issu d’une famille bourgeoise syrienne, ex-djihadiste passé par la prison américaine d’Abou Ghraib, tient avant tout à exercer le pouvoir. Pour montrer qu’il accepte l’ordre impérialiste et veut y trouver sa place, il multiplie les gestes d’allégeance. Il a ainsi été adoubé par Trump le 10 novembre à la Maison Blanche et a pu obtenir la levée des sanctions économiques. Il encaisse en silence les attaques de l’armée israélienne, plus que jamais gendarme en chef de la région. Il se place sous la protection de la Turquie et des riches monarchies pétrolières du Golfe, dont il vante le libéralisme économique et qu’il appelle à investir en Syrie.

Al-Charaa se montre prêt à dérouler le tapis rouge aux investisseurs et autres affairistes venus du Golfe ou des pays occidentaux en les exonérant de droits de douane. Recevant en octobre une délégation du Medef, il a déclaré aux patrons français : « Les chantiers que vous voulez, prenez-les, ils sont ouverts aux investisseurs. » Mais si des accords pour la construction d’un métro et de centres commerciaux à Damas et pour la reconstruction de l’aéroport ont été récemment signés, ils restent dérisoires au regard de l’ampleur de la reconstruction, estimée à plus de 200 milliards de dollars. Leur application dépendra de la restauration, ou non, d’une stabilité propice aux affaires.

Surtout, ces projets ne profiteront certainement pas aux classes populaires, qui continuent de vivre dans des ruines et sont confrontées au chômage, à l’inflation, à la vie chère, au manque d’eau et aux coupures d’électricité. Elles subissent les coupes dans les subventions publiques aux produits comme le pain, l’électricité ou l’essence, décidées par les conseillers économiques qui entourent al-Charaa.

Les travailleurs et la population pauvre de Syrie n’ont que des coups à attendre de ce régime qui défend les intérêts de la bourgeoisie syrienne dans cette région du Moyen-Orient dominée et ravagée par l’impérialisme.

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