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Dans le monde
Taïwan : manœuvres militaires et propagande
Le 1er et le 2 avril, l’armée chinoise a fait une démonstration de force autour de Taïwan, simulant un blocus de l’île. Ces manœuvres militaires ont été l’occasion pour la presse française de dénoncer une nouvelle fois la menace chinoise sur la « démocratie » taïwanaise et de mettre en avant la marine nationale comme un rempart.
L’île de Taïwan, située à 150 kilomètres des côtes chinoises, compte 23 millions d’habitants et est revendiquée par Pékin. En 1949, Tchang Kaï-chek et ses hommes du Kuomintang, massacreurs d’ouvriers, vomis par la population chinoise, battus par les armées de Mao, se sont réfugiés à Taïwan et séparèrent l’île de la Chine sous la protection des armées américaines. Alors que la Chine était mise sous embargo, ce n’est pas Pékin mais Taïwan qui fut reconnu par l’impérialisme comme la Chine officielle, occupant un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Taïwan servit alors de base arrière pour les États-Unis pendant les guerres de Corée et du Vietnam. L’île, présentée déjà comme le rempart de la démocratie contre le communisme chinois, a été un bagne pour la classe ouvrière. La loi martiale ne fut levée qu’en 1987, ce qui permit au régime de se donner une façade démocratique à partir des années 1990. Mais la statue de Tchang Kaï- chek trône toujours à Taïpei, la capitale, et l’appareil militaro- policier à l’œuvre pendant les décennies de terreur constitue toujours l’ossature de l’État.
Aujourd’hui, la Chine a récupéré son statut international mais pas Taïwan qui reste un atout entre les mains de l’impérialisme contre Pékin. Le statu quo depuis plus de 40 ans consiste pour le régime chinois à tolérer l’indépendance de fait de Taïwan tant que cette indépendance n’est pas officielle et, pour l’impérialisme, à surarmer le régime taïwanais en en faisant son relais dans la région.
Les manœuvres d’avril s’inscrivent donc dans ce rapport de force entre la Chine et l’impérialisme occidental. Le régime de Pékin montre ses muscles, faisant vibrer au sein de sa population la corde nationaliste. En face, les puissances occidentales font de même. Les médias français ont par exemple monté en épingle les manœuvres maritimes dénommées « Pacific Steller ». Au journal de France 2 le soir du 2 avril, ces manœuvres, qui ont eu lieu en réalité du 8 au 18 février, rassemblant, au large des Philippines, le porte-avions français Charles-de-Gaulle, un porte-avions américain et japonais, étaient présentées comme le contrepoids nécessaire à la puissance chinoise. Ce reportage contre « la Chine toute-puissante » affirmait que « la prospérité de la France dépend de la stabilité de la région ». Il voulait aussi démontrer la capacité des armées françaises à faire la guerre avec l’impérialisme américain contre la Chine et vantait la qualité du matériel tricolore.
L’impérialisme français veut jouer un rôle dans les conflits à venir, il doit pour cela afficher une certaine puissance militaire et il doit convaincre la population d’accepter les sacrifices nécessaires. Ce ne sera pas pour défendre la « démocratie » taïwanaise ni la prospérité de la France, mais bien celle des industriels et des banquiers français en leur assurant un accès au futur repartage des marchés.