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Tchad : l’armée française mise à la porte
Le Tchad a mis fin jeudi 28 novembre aux accords de défense qui le liaient à la France. Après la Centrafrique, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, c’est un pays de plus qui rompt les liens d’étroite sujétion mis en place par l’impérialisme français lorsque l’indépendance succéda au joug colonial.
Le Tchad était il y a quelques jours encore une pièce centrale du dispositif militaire français en Afrique, le pays sur lequel Paris pensait pouvoir compter pour replier ses troupes chassées de partout. Les Mirage pouvaient encore décoller de la capitale N’Djamena pour intervenir dans la région. Pendant des décennies les troupes tchadiennes furent mises à contribution pour défendre la politique de l’impérialisme français et, par son intermédiaire, de tous les impérialismes qui concédaient à la France une position dominante au Sahel. Lors de l’intervention militaire française au Mali en 2013, ce sont les soldats tchadiens qui furent envoyés déloger les djihadistes retranchés dans le massif des Ifoghas. Le Tchad fut ensuite la pièce centrale du G5 Sahel, cette coalition militaire au sein de laquelle cinq pays s’alignaient derrière la France.
Pendant des décennies, Paris a fait et défait les dirigeants tchadiens, selon que l’armée française recevait l’ordre de soutenir ou de lâcher tel ou tel prétendant. En février 2019, les Mirage français sauvèrent ainsi la mise à Idriss Déby, le père de l’actuel président, en bombardant un convoi de rebelles. Emmanuel Macron, venu à la mort de Déby assurer son fils Mahamat Idriss de son soutien, espérait bien continuer sur le même pied d’inégalité. Il affirmait ainsi sa volonté de fermer les yeux sur la terreur que fait régner le régime dans le pays et sur les exactions de ses bandes armées quand elles interviennent à l’extérieur. Il n’a pas été payé de reconnaissance. Cette fois, c’est un dirigeant tchadien qui met l’armée française à la porte.
Le fait que le président d’un pays aussi inféodé à la France prenne cette décision montre bien que les temps ont changé. À l’indépendance, la protection française était une sorte d’assurance-vie pour les dirigeants. Ils laissaient en contrepartie l’ancienne puissance coloniale piller leur pays. Cette présence militaire semble aujourd’hui être devenue un boulet. Le sentiment anti-français amplement justifié, basé sur la mémoire de l’oppression coloniale et le rejet de l’exploitation impérialiste qui en est le prolongement, a fini par coûter leur place à plusieurs chefs d’État africains. Au Mali, au Burkina, au Niger, des juntes militaires ont su utiliser ce sentiment pour se hisser au pouvoir. Au Sénégal, c’est un opposant, Ousmane Sonko, qui s’en est fait le porte-parole et se retrouve aujourd’hui à la tête du pays. Autant d’évènements qui ont dû peser lourd dans la décision du président tchadien.
Mahamat Idriss Déby n’a d’autre part aucune raison valable de prolonger ce long tête- à-tête avec la France. Des responsables venus de tous les pays font les yeux doux aux dirigeants tchadiens pour développer leurs entreprises au Tchad, à commencer par ceux des entreprises chinoises qui dominent déjà l’industrie pétrolière. Même sur le plan militaire, les offres alternatives à l’armée française ne manquent pas. En Centrafrique, premier pays du continent à s’être débarrassé de la tutelle française, ce sont désormais les mercenaires russes qui assurent la sécurité du président et contrôlent une grande partie du pays.
La Françafrique se détricote maille par maille, et aucun travailleur ne pourra verser de larme sur elle, même si le fait que les dirigeants africains cherchent désormais d’autres maîtres ne desserrera pas la tutelle de l’impérialisme sur la population de ces pays.