Ukraine : trois ans de guerre et un bilan effroyable26/02/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/02/P9-1_En_2014_%C3%A0_Kiev_Un_pays_uni_en_ukrainien_et_en_russe_lors_de_lannexion_de_la_Crim%C3%A9e_et_de_la_s%C3%A9cession_du_Donbass_C_LO.JPG.420x236_q85_box-0%2C75%2C800%2C525_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : trois ans de guerre et un bilan effroyable

Le 24 février 2022 Poutine lançait son « opération militaire spéciale » (SVO). Trois ans plus tard, même si dirigeants américains et russes en discutent, un cessez-le-feu, et à plus forte raison la paix, ne semblent pas encore pour demain.

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En 2014 à Kiev « Un pays uni » en ukrainien et en russe lors de l'annexion de la Crimée et de la sécession du Donbass

Les combats n’ont pas de cesse, ils s’intensifient même, les morts s’ajoutant aux morts. En effet, les états-majors de chaque camp veulent renforcer leurs positions dans la perspective de négociations, forcément au couteau, quand il s’agira de déterminer, comme annoncé par Trump, quelles régions resteront sous l’autorité de Kiev et lesquelles seront attribuées à Moscou.

« Onze ne sont pas revenus d’Afghanistan, 18 ont péri en Tchétchénie, 252 sont tombés sur les champs de bataille de la SVO ». Ce bilan, repris par une chaine russe de télévision de la région de Koursk, Canal 9, recense le nombre de soldats d’une ville moyenne, Stari Oskol, morts durant les trois dernières guerres. Ces chiffres, bien que d’ordinaire les autorités les cachent, en Russie comme en Ukraine, venaient d’être annoncés à un festival de chansons « patriotiques ». Une partie de l’assistance fondit en larmes. Et pour cause, la guerre actuelle affiche le bilan le plus terrible, et d’ailleurs non définitif.

Une rapide extrapolation donne une fourchette allant de 140 000 à 330 000 soldats russes morts au combat en trois ans. En Ukraine, les chiffres sont d’un ordre de grandeur comparable, surtout si l’on prend en compte les victimes civiles des bombardements, mais dans un pays trois à quatre fois moins peuplé que la Russie. Ce pays n’a cessé de se dépeupler depuis la fin de l’URSS, et la guerre a encore amplifié ce mouvement car plusieurs millions d’Ukrainiens se sont établis à l’étranger. Les uns l’ont fait parce qu’ils en avaient les moyens, d’autres, très nombreux, parce qu’ils voulaient échapper à l’envoi au front et à la mort. La Russie aussi a vu des jeunes et moins jeunes fuir la guerre, même si cela concerne une fraction bien moindre de sa population.

À cette catastrophe démographique, surtout en Ukraine, s’ajoutent des destructions effroyables dans les zones disputées, des villes et bourgades quasiment rasées, des infrastructures – ponts, écoles, hôpitaux, usines, immeubles d’habitation, etc. – qu’il faudra bien rebâtir.

Les gouvernements européens aiment dire qu’ils vont « aider » l’Ukraine à se reconstruire. Mais ils se gardent de préciser à quel prix. Car, si chaque gouvernement entend favoriser « ses » capitalistes du BTP et autres, ceux-ci ne travaillent jamais pour la gloire. La note, et elle est astronomique, c’est la population qui va devoir l’acquitter. D’abord en devant vivre pendant un temps indéfini à côté de ruines, ensuite en devant payer ces travaux par ses impôts ou, comme c’est plus probable car cela ne suffira pas, par un endettement énorme et quasi éternel auprès des banques et institutions européennes qui financeront. Un endettement d’autant plus terrible qu’il pèsera, en Ukraine, sur une population fortement réduite en nombre.

Médias et gouvernements occidentaux ne s’étendent guère sur le sujet. Et l’on voit bien pourquoi : avant la guerre, l’État ukrainien, pillé par ses oligarques et ses hauts bureaucrates mais aussi par les firmes occidentales, était déjà en faillite depuis des années. Il ne vivait que grâce à des prêts consentis par les États riches, la Banque mondiale, la BERD. Ces prêts, il était incapable de les rembourser, sauf à céder en contrepartie des pans entiers de son économie. Et il va devoir brader tout ce qu’il pourra car sa dette a atteint des proportions monstrueuses avec les dégâts de la guerre et les « aides » militaires des pays « amis ».

Autant dire que, même si une paix devait survenir, c’est une guerre sociale terrible que les capitalistes et banquiers occidentaux mèneront, par l’entremise des dirigeants ukrainiens, contre les travailleurs pour leur faire payer cette guerre qui n’est pas et n’était pas la leur. Et elle n’est pas plus celle des travailleurs russes. Car eux aussi vont devoir chèrement la payer, surtout si le régime de Poutine en sort renforcé en tant que « vainqueur ». Personne n’imagine qu’après avoir mis toute la population au pas, et imposé des conditions plus dures dans les entreprises, le régime policier de Poutine desserrera sa poigne. Et puis, jusqu’à la moitié du budget a été dévolue à l’armée et à l’armement. Ces dépenses inutiles socialement, la population russe les a déjà payées par une inflation qui a rongé son pouvoir d’achat. Et ce n’est pas fini…

En Ukraine, où les salaires, plus bas qu’en Russie, ont encore plus pâti de la guerre, ce sont les forces les plus réactionnaires, les nationalistes d’extrême droite, qui vont vouloir jouer sur la corde de la patrie trahie, « vendue aux marchands ». Que Zelensky reste ou doive céder la place comme responsable d’un désastre militaire, le pouvoir se servira du prétexte de devoir faire front à l’adversité pour museler encore plus toute opposition, surtout si elle se manifeste dans la classe ouvrière et vise le pouvoir et les oligarques. Ceux-ci, tel le plus riche d’entre eux, Rinat Akhmetov, ont certes laissé des plumes dans les régions annexées par Moscou ou quand leurs usines ont été bombardées. Akhmetov aurait perdu 60 % de sa fortune en un an de guerre dans le Donbass. Mais, en deux ans, il l’a refaite. Grâce à « l’aide » à l’Ukraine, il a remonté la pente, a pris pied dans des secteurs des technologies nouvelles, mais surtout dans des pays bien moins exposés aux risques de guerre, en Europe de l’Ouest et en Amérique. Et il n’est pas le seul de son espèce en Ukraine ni en Russie.

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