Pologne Quelles perspectives après la victoire électorale de Walesa01/01/19911991Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1991/01/36.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Pologne Quelles perspectives après la victoire électorale de Walesa

Alors qu'en août 1989, dans ce qui était encore considéré - pour peu de temps, il est vrai - comme le bloc des « démocraties populaires », la Pologne lançait une sorte d'avant-première avec son gouvernement dirigé par une personnalité catholique dirigeante de Solidarité, elle vient seulement en décembre 1990 de se débarrasser du général Jaruzelski, l'homme du coup de force du 13 décembre 1981 et de l'état de siège, qui avait alors interdit Solidarité, pourchassé et interné ses militants.

La Pologne a vécu la première année de sa transition dans le cadre d'un compromis au sommet entre dirigeants de Solidarité et dirigeants staliniens, sous le patronage de l'Eglise catholique.

Il y avait un terrain d'entente fondamental entre les uns et les autres. Toute la politique de l'équipe dirigeante de Solidarité depuis ses origines s'inscrivait dans une perspective d'entente avec le pouvoir. Il est évident cependant que l'aboutissement concret du compromis n'aurait pas pu avoir lieu en dehors du cadre général de la politique de Gorbatchev mettant fin à la tutelle de la bureaucratie soviétique sur l'ensemble des pays de l'Europe centrale, hier satellites de l'URSS. C'est bien du sommet, en l'occurrence de Moscou, qu'est venu le déblocage décisif, pour la Pologne comme pour ses voisins.

La Pologne jouissait cependant d'une particularité : lorsque Jaruzelski eut les mains libres du côté de Moscou, il se trouvait disposer avec Solidarité et Walesa d'un atout exceptionnel pour faire face aux problèmes et aux risques du processus de la transition.

La Pologne avait vu se constituer au cours de la décennie écoulée, à la tête et autour de Solidarité, des équipes d'hommes politiques, non seulement préparés à assurer la relève du pouvoir, mais surtout disposant auprès de la population, et de la classe ouvrière en particulier, d'une popularité, d'une légitimité, sans pareilles.

Bronislaw Geremek, dirigeant des parlementaires de Solidarité, a pu s'en réjouir ainsi, en février 1990 : « La politique d'austérité que nous menons est terrible, les hausses de prix sont les plus dures de toutes celles décidées depuis l'après-guerre. A chaque fois, dans le passé, elles ont provoqué des soulèvements, des grèves. Cette fois, le gouvernement dispose d'une légitimité formidable » .

Aujourd'hui, Lech Walesa en personne prend en quelque sorte le relais. Le compromis par lequel le général de l'état de siège avait pu se maintenir à la tête de l'État est dépassé, et c'est l'ancien leader des grévistes de Gdansk qui l'y remplace.

L'ex-dirigeant ouvrier au service d'une continuite anti-ouvriere

Walesa, incarnation de Solidarité aux yeux des masses, est, certes, un dirigeant populaire. Il incarne la lutte de la classe ouvrière polonaise de 1980-81, les accords de Gdansk d'août 1980 qui imposèrent la reconnaissance officielle des premiers syndicats indépendants de la dictature stalinienne dans l'ensemble du « bloc de l'Est ». Il incarne Solidarité et ses 10 millions de membres de 1981, et Solidarité de la période clandestine, avec sa résistance et sa vitalité pendant les années de l'état de siège.

Dans le président de la République élu le 9 décembre 1990, ce passé demeure. C'est à lui que Walesa doit la confiance que la classe ouvrière peut encore placer dans sa personne, à lui qu'il doit son poids politique exceptionnel par rapport à celui dont disposent les dirigeants des autres pays de l'Europe centrale.

Ce poids politique, ce crédit auprès des travailleurs - en tout cas, ce qu'il en demeure aujourd'hui - Walesa les met au service de la bourgeoisie, polonaise et internationale.

Il s'est démarqué, au bout de quelques mois, du gouvernement Mazowiecki, dans l'objectif de capter à son profit les ressentiments que la politique de ce gouvernement accumulait contre lui. Quelle que fut la popularité de Mazowiecki à ses débuts, la politique de son gouvernement a eu des conséquences si dures pour les classes populaires - chute spectaculaire du niveau de vie d'une grande partie de la population, apparition d'un chômage qui touchait déjà, en septembre dernier, plus d'un million de personnes - qu'elle n'a pas manqué de susciter un large mécontentement dans la classe ouvrière et la paysannerie pauvre.

Le rejet de cette politique s'est manifesté à travers l'élection présidentielle, à la fois par le taux élevé des abstentions et par le faible score réalisé par Mazowiecki lui-même, devancé dès le premier tour par le démagogue Tyminski, inconnu la veille et qui avait pour seul programme la promesse de l'argent facile pour tous (Tyminski a recueilli le 25 novembre pratiquement un million de voix de plus que Mazowiecki, soit 23,10 % des suffrages exprimés, contre 18,08 % pour Mazowiecki - Walesa en recueillait 40 %).

Mais si Walesa s'est porté en rival de son ex-conseiller dans cette élection, s'il s'est démarqué de sa personne, ce n'était pas pour proposer une politique plus favorable aux travailleurs. La continuité de la politique du nouveau régime polonais est même soulignée par la composition du gouvernement qui vient d'être formé par J.K. Bielecki sous l'égide de Walesa : 8 ministres sur les 19 qui le composent étaient déjà membres du gouvernement Mazowiecki, et le maître d'oeuvre de sa politique économique demeure Leszek Balcerowicz (qui a pour conseiller l'économiste américain Jeffrey Sachs), symbole du programme d'austérité et de réformes brutales dont les masses travailleuses polonaises subissent aujourd'hui les conséquences. Balcerowicz est maintenu à sa place et avec son rang de vice-premier ministre.

La leçon de l'election du 9 decembre

Ce que Walesa offre aux possédants, c'est-à-dire sa capacité à faire tenir la classe ouvrière tranquille, son aptitude à jouer le rôle de « police d'assurance » du gouvernement, selon sa propre expression auprès du journal italien La Republicca, se révélera-t-il efficace de ce point de vue ?

On peut constater que son élection n'a pas été un plébiscite, contrairement à ses voex puisqu'il avait déclaré ambitionner d'être élu par 80 % des suffrages dès le premier tour. Elle n'a d'ailleurs pas été saluée par des manifestations de victoire notoires.

Nous avons déjà mentionné le taux médiocre de participation au scrutin : près de 40 % d'abstentions au premier tour, 47 % au deuxième.

Et puis, le chiffre de près de 4 millions de suffrages recueillis par Tyminski, le pourcentage de 25 % des suffrages exprimés qu'il a encore réalisé au second tour, en position de challenger de Walesa, ne peuvent être perçus que comme des signaux d'alarme par Walesa - d'autant que, selon ce qu'en a rapporté la presse, une notable proportion de ces électeurs de Tyminski seraient des travailleurs et des jeunes vivant dans des villes et des régions sévèrement frappées par la crise et le chômage, telles que le bassin minier de Silésie. Il est peu probable que les votes ouvriers en faveur de Tyminski aient une signification de défiance politique précise vis-à-vis de Walesa, ils sont plutôt le reflet d'un bas niveau de conscience politique et d'un immense désarroi. Mais ils signifient en tout cas, pour Walesa, que des secteurs de la classe ouvrière échappent à son emprise, qu'il est peut-être moins en mesure qu'il aurait pu l'espérer de les tenir en main et de jouer ce rôle de « police d'assurance » qui le rend si précieux pour les privilégiés.

On a d'ailleurs assisté, au second tour, au ralliement de Mazowiecki et d'autres candidats plus mineurs à la candidature de Walesa, et, plus significatif peut-être encore, à l'appui de l'Eglise qui a mis pour ce second tour décisif son poids officiel dans la balance - tous se montrant manifestement effrayés par l'ampleur de ce que la presse a appelé le « phénomène Tyminski ».

Un avenir economique de pays sous-developpe

S'il ne nous est pas possible d'apprécier l'importance des illusions que l'accession de Walesa à la présidence de la République peut encourager malgré tout au sein de la classe ouvrière, d'apprécier la durée et la profondeur de « l'état de grâce » dont il peut bénéficier auprès des travailleurs, ce qui est certain en revanche c'est que l'intégration de la Pologne dans l'économie occidentale n'ouvre pas des perspectives d'amélioration de sa situation économique. Au contraire. Et Walesa ne propose que d' « accélérer » les réformes en ce sens.

La régression économique est déjà là, avec une baisse de 30 % de la production industrielle au cours de 1990, alors que la politique dite de modernisation de l'agriculture lancée par le gouvernement condamne une proportion importante des petites exploitations paysannes à disparaître - un million d'entre elles, peut-être, selon les déclarations de Balcerowicz lui-même.

Les privilégiés, ceux qui avaient déjà amassé des fortunes sous Gierek ou ceux à qui leur position dans la nomenklatura stalinienne donne accès aux possibilités de s'enrichir, étalent leur consommation de luxe avec une assurance nouvelle ; mais la néo-bourgeoisie polonaise n'occupe cependant qu'une place marginale dans l'industrie, au niveau de quelques entreprises petites ou moyennes, et alors que les capitaux étrangers sont loin de se précipiter pour créer des sociétés mixtes importantes. Elle peut trouver les moyens d'accroître ses capitaux pour son compte, mais ceux-ci prendront plus aisément la voie de placements immobiliers, ou financiers...

Au cours de sa campagne électorale, Walesa a prodigué aux uns et aux autres les promesses d'enrichissement, mais en réalité si celles-ci se concrétiseront, se concrétisent déjà pour une minorité privilégiée, c'est au contraire la perspective d'une aggravation de la misère qui attend une grande partie de la population, avec le dépeçage des grandes entreprises et des mines étatisées, les coupes claires dans les programmes sociaux et la fin des subventions aux prix des denrées de base.

Des couches entières de la population sont menacées d'un appauvrissement brutal. Une indication en a été donnée par l'ex-vice-ministre chargé de l'aide sociale : selon ses chiffres, sur 12 millions de familles polonaises, 3 millions et demi ne survivront dans un avenir relativement proche que grâce à ce type d'aide. Et les témoignages abondent quant à l'accroissement du nombre des sans abri, des enfants livrés à eux-mêmes, des petits vendeurs en tout genre dans les rues des villes, jeunes sans emploi ou retraités aux ressources de misère. On a une idée de ce que cela peut signifier quand on sait que le salaire le plus courant de ceux qui travaillent ne se monte déjà qu'à environ 500-600 F par mois, alors que les prix approchent ou atteignent déjà ceux de l'Europe occidentale.

C'est un avenir de pays sous-développé qui attend la Pologne sur la base du système capitaliste.

Face aux ouvriers inquiets devant les projets de « grandes privatisations » avec la menace de fermetures d'entreprises qu'elles comportent, Walesa, au cours de sa campagne électorale, a joué sur le registre du nationalisme. Il n'a pas hésité à protester contre les risques de « bradage » par le gouvernement du potentiel économique polonais au capital étranger, pour s'exclamer « La Pologne aux Polonais ! » (tout en appelant par ailleurs ce capital étranger de tous ses voex...).

Certes, dans cette campagne, il s'agissait pour lui avant tout de faire feu de tout bois pour accéder électoralement à la présidence, et notamment de faire pièce à la démagogie tous azimuts de son concurrent inattendu, Tyminski. Mais ce terrain du repliement nationaliste peut être d'autant plus tentant que, de toute façon, l'État polonais sera peut-être contraint de conserver un certain nombre d'entreprises industrielles parce que les capitaux occidentaux ne voient pas l'intérêt de s'y investir et que la bourgeoisie polonaise est trop faible, trop dépourvue de moyens, pour les acquérir.

De toute façon, même si le gouvernement de Walesa décidait de pratiquer une politique de repliement nationaliste, ce qui n'est pas l'orientation actuelle, la Pologne n'échapperait pas à la régression, ni même à l'emprise de l'impérialisme, ne serait-ce qu'à travers le service de sa dette qui dépasse déjà les 40 milliards de dollars.

Les risques d'une evolution « autoritaire »

Dans de telles conditions, et sous l'oeil vigilant des créanciers et de la finance internationale, il n'est pas difficile de prévoir que le régime polonais risque d'évoluer davantage dans un sens autoritaire que dans le sens d'un approfondissement démocratique... L'aggravation de l'inégalité sociale, d'autant plus spectaculaire qu'elle est désormais officiellement encouragée, retire beaucoup de leur substance aux droits démocratiques.

Ceux-ci, en réalité, sont un luxe dont bénéficient seulement quelques dizaines, au mieux, de pays riches, pillards du reste du monde.

Quand le problème de l'heure est de faire encaisser les coups par les exploités, quelles que puissent être les aspirations démocratiques des dirigeants en place, elles trouvent leurs limitations dans la réalité économique.

Il se trouve, qui plus est, que le personnage de Walesa ne semble pas se caractériser par ses aspirations démocratiques. Il présente, au contraire, les traits de personnalité du dirigeant autoritaire.

Il ne fait pas mystère de son ambition de jouer un rôle de sauveur suprême, et il concentre un certain nombre de moyens politiques à cet effet, cristallisant dans son personnage un faisceau de forces qui sont en réalité contradictoires : s'il est dans une grande mesure l'élu des travailleurs, il représente en même temps les privilégiés polonais, ou ceux qui aspirent à en faire partie, et sur le plan politique il apparaît en même temps comme le représentant des puissants courants réactionnaires existant dans la société polonaise et symbolisés en premier lieu par l'Eglise.

Lui, ex-dirigeant d'une grande lutte gréviste, il prône simultanément une idéologie composée du fatras national-catholique de cette Eglise, nostalgique d'une époque où elle était associée au pouvoir d'État, et qui est dotée aujourd'hui d'un statut institutionnel particulièrement favorable.

Et on a déjà vu dans quel sens anti-démocratique la pression de l'Eglise peut s'exercer, lorsque - pour nous en tenir aux manifestations les plus marquantes - le Sénat, composé d'élus de Solidarité qui ne tiennent pas à perdre le soutien des curés, a décidé à la quasi-unanimité de porter atteinte à la liberté des femmes en matière d'avortement ; ou encore lorsque le gouvernement Mazowiecki a réinstauré l'enseignement religieux dans les écoles, avec la prière au début des cours, en évitant tout débat public.

Ce type de pression de la part de l'Eglise polonaise pèse, on le voit, sur le pouvoir politique, Walesa ou pas Walesa. De même que toutes les autres contraintes qui rendent aléatoire un fonctionnement démocratique durable et réel en Pologne. Walesa, cependant, tel qu'il est, est maintenant dans la place, au sommet du pouvoir. Ses critiques du côté de Mazowiecki ont quelque raison, semble-t-il, de le suspecter de chercher à concentrer davantage de pouvoir autour de la présidence, au détriment du fonctionnement plus ou moins parlementaire mis en place depuis juin 1989, lui qui, à plusieurs reprises, a parlé de la nécessité de gouverner « avec une hache », selon son expression, ou, plus précisément, à coup de décrets.

Walesa a placé son régime sous le signe d'une démagogie chauvine, obscurantiste, et même antisémite. Il a peut-être en partie été élu en tant que leader de Solidarité ouvrière, mais il l'a été aussi sur cette base politique-là.

Dans les conditions économiques critiques de la Pologne, et pour faire face à l'agitation sociale qui pourrait en résulter, il peut décider de rechercher vers les thèmes d'extrême-droite un exutoire au désespoir, à la frustration, au sentiment d'injustice devant un changement qui se traduit par une aggravation du sort des travailleurs et des pauvres tandis que les privilégiés de l'ancienne nomenklatura, loin d'avoir pâti de la transformation du régime, sont au contraire ceux qui en tirent peut-être le plus profit.

Et le risque existe que, y compris sur cette base fondamentalement anti-ouvrière, il rencontre l'appui d'une fraction de la classe ouvrière, et pas seulement, peut-être, sa fraction la moins consciente, la plus écrasée. Car les cadres de Solidarnosc ont représenté l'avant-garde du prolétariat polonais, ces cadres du grand mouvement de masse de 1980-81, dont bon nombre ont été aussi les artisans courageux et obscurs du maintien et de la résistance de Solidarité dans la clandestinité et pendant toutes les années de la dictature de Jaruzelski.

Parmi ceux-là, ceux dont le changement de régime n'a pas amélioré le sort et qui n'ont pas la possibilité ou l'envie d'aller grossir la nouvelle nomenklatura issue de Solidarité, il n'est pas exclu qu'un certain nombre, demeurant fidèles à Walesa, fournissent les militants d'un parti de Walesa devenu président - un parti cléricalo-nationaliste qui pourrait jouir d'une réelle base ouvrière, car il ne faut pas oublier à quel point Walesa a pu être populaire auprès des travailleurs et comment il n'y a pas si longtemps toute la classe ouvrière se retrouvait derrière lui.

La dictature stalinienne n'a pas été renversée par la classe ouvrière en lutte sur un programme révolutionnaire, véritablement communiste, internationaliste. Elle l'a été au contraire au profit du système capitaliste et au nom d'idées de droite (sinon d'extrême-droite).

Et ce changement a libéré des forces réactionnaires, qui dominent la scène politique en Pologne, et ne se limitent pas à Walesa.

Dans une grande ville comme Lodz, durement frappée par la crise et la misère, siège des principales usines textiles menacées de démantèlement, aux élections municipales du printemps 1990, c'est un maire d'extrême-droite qui a été élu, candidat d'une coalition constituée entre deux formations ultra-nationalistes (la Confédération de la Pologne indépendante - KPN - et le Rassemblement chrétien-social).

La classe ouvrière n'a aucune raison de regretter l'ancienne dictature ou l'état de siège de Jaruzelski. Mais, à voir aujourd'hui à quel rythme sa situation matérielle se dégrade encore, comment la réaction marque déjà des points dans la société, on peut prévoir aisément que ses libertés d'expression, de presse, de réunion, d'organisation, risquent de demeurer bien abstraites, voire de se retrouver vite menacées, que ce soit par le régime de Walesa lui-même ou par d'autres, si elle ne retrouve pas sa capacité de mobilisation et la conscience nécessaire pour s'en servir à son profit.

Ses luttes ont été dévoyées dans les illusions en faveur de Gomulka en 1956, laissées isolées et sans aucune perspective face à une répression sauvage en 1970, canalisées et récupérées par une direction réactionnaire cléricale en 1980-81. La classe ouvrière polonaise fait maintenant l'expérience de la réalité du capitalisme dans les conditions de la Pologne dans le monde d'aujourd'hui.

Avec Walesa à la présidence, elle peut vérifier aussi qu'un dirigeant issu de ses propres rangs, de sa propre lutte, n'est pas en soi garant de la défense de ses intérêts, dès lors que ce dirigeant, que cette direction est porteuse d'un projet politique anti-ouvrier sur le fond, tourné vers des idées héritées du passé.

Elle pourra, elle peut déjà peut-être, si l'on en croit certains témoignages fournis par la presse, se débarrasser d'un certain nombre des illusions que l'Eglise avait pu engendrer en vertu de son statut d'opposition, mais que la réalité de l'association avec le pouvoir, de l'épreuve des faits, ne tardera pas, on peut l'espérer, à mettre à mal.

Des occasions majeures ont été perdues en Pologne au cours de ces dernières décennies, par manque d'une direction politique de la classe ouvrière se plaçant sans ambiguïté sur le terrain du marxisme révolutionnaire, carence qui a laissé le champ libre en particulier à l'Eglise catholique, qui donne à la réaction politique en Pologne sa forme et sa coloration particulières.

La crise du prolétariat polonais est bien avant tout la crise de sa direction. Car la combativité de la classe ouvrière polonaise, elle, est évidente, de même que sa richesse d'expériences politiques et sa capacité militante.

15 janvier 1991

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