Asie centrale : Le président kirghize chassé par la rue14/04/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2176.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Asie centrale : Le président kirghize chassé par la rue

À Bichkek, capitale du Kirghizistan, une des cinq ex-républiques soviétiques d'Asie centrale, c'est en déposant des tulipes sur leurs tombes que la foule a enterré les victimes des manifestations qui viennent de forcer le président Bakiev à se réfugier dans son fief du sud du pays.

Bakiev avait sévi comme Premier ministre d'Akaïev, l'ex-chef de la république soviétique locale resté aux commandes après l'éclatement de l'URSS. Puis, il y a juste cinq ans, par un coup d'État baptisé « révolution des tulipes », il avait écarté ce dernier au profit d'une coalition de dignitaires du régime.

LUTTES DE CLANS ET COUPS D'ETAT A REPETITION

Cette coalition d'appétits rivaux vola rapidement en éclats car Bakiev et son clan trustèrent bientôt tous les postes en écartant leurs alliés de la veille. Or, dans ce petit pays montagneux (les quatre dixièmes de la France) sans grandes ressources négociables, plus qu'ailleurs encore, le meilleur moyen de s'enrichir est de monopoliser le pouvoir. Au risque, bien sûr, de voir se tourner contre soi tous ceux que l'on a écartés de la mangeoire.

C'est pourquoi celle qui vient d'être nommée présidente par intérim, Roza Otounbaïeva, ex-ambassadrice et ex-ministre des Affaires étrangères des deux potentats précédents, dénonce le fait que ceux-ci et leurs parents raflaient toutes les richesses, sans rien laisser aux autres clans dirigeants.

LES « DEMOCRATIES » OCCIDENTALES COMPLICES

Quant aux puissances occidentales, elles ne trouvaient rien à redire à cette dictature. D'abord, Bakiev avait le bon goût de laisser l'armée des États-Unis, ainsi que les états-majors français et espagnol disposer d'une base aérienne indispensable à leurs opérations en Afghanistan.

Et comme il paraissait en outre plus éloigné de Moscou que son prédécesseur, c'était le cadet des soucis des gouvernements américain et européens de savoir comment pouvait survivre la population sous un tel régime. Et cela alors que de récentes hausses des prix, notamment de l'énergie, avaient encore amputé des salaires misérables, de l'équivalent de quelques dizaines d'euros pour qui a un travail.

C'est cela qui a mis le feu aux poudres, faisant descendre dans la rue des milliers de manifestants qui, malgré les tirs de la police, ont pris d'assaut la présidence et d'autres symboles d'un pouvoir honni. Ce sont eux qui ont payé le prix fort pour chasser le dictateur, et certainement pas ses anciens alliés qui composent maintenant le gouvernement de transition, dont la population n'a absolument rien de bon à attendre.

LA PEUR D'UNE CONTAGION

Les grands voisins du Kirghizistan, la Russie et la Chine, ont leurs propres raisons d'avoir appuyé l'éviction de ce dictateur plus ou moins pro-occidental qui avait vite dressé contre lui la majeure partie du pays.

En revanche, l'Ouzbékistan et le Kazakhstan, deux États ex-soviétiques limitrophes, plus peuplés, mais également turcophones, ont proposé leur aide au dictateur déchu et fermé leurs frontières. La situation de la population n'y est certes pas aussi terrible qu'au Kirghizistan, mais leurs dirigeants ne se font aucune illusion sur les sentiments à leur égard de leurs propres travailleurs. Notamment au Kazakhstan où, des semaines durant, les dix mille ouvriers d'un des combinats industriels les plus grands de la région ont, malgré la répression, tenu la dragée haute au pouvoir.

Alors, les dirigeants de ces deux États voisins craignent que la poudrière centre-asiatique, à deux pas de l'Afghanistan et du Pakistan, ne leur saute à la figure, comme cela vient d'arriver à leur collègue Bakiev.

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