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Pologne : Kaczynski, un réactionnaire caricatural
Le président polonais, Lech Kaczynski qui a péri samedi 10 avril, était un des présidents les plus réactionnaires que la Pologne ait connu depuis 1989. Contrairement à certains dirigeants qui étaient des transfuges de l'ex-PC polonais ayant profité du discrédit de Solidarité pour revenir au pouvoir, comme c'était le cas de son prédécesseur Kwasniewski qui gouverna de 1995 à 2005, Kaczynski s'était toujours situé parmi les droitiers et réactionnaires avoués.
Militant, avec son frère jumeau, à Solidarité depuis sa création, il était surtout parvenu sur le devant de la scène politique en créant, dans les années 2000, un parti très à droite, le PIS (Droit et Justice), qui s'allia avec tous les groupes les plus à droite possible en Pologne, comme la Ligue des Familles Polonaises, dont le nom reflétait quasiment le programme, chrétien, antiavortement, etc. C'est ainsi qu'il gagna l'élection présidentielle en octobre 2005.
Dès lors, Lech Kaczynski se signala par ses prises de positions ultra-conservatrices. Ainsi il fit pression pour le rétablissement de la peine de mort, en Pologne et dans l'Union européenne. Il interdit, en 2004 et 2005, l'équivalent de la Gay Pride à Varsovie. Il insista auprès des institutions de l'UE pour que rien, dans la Charte des droits fondamentaux dont elle se réclame, ne puisse obliger la Pologne à souscrire au droit à l'avortement ou à la liberté pour les homosexuels de se marier ou d'avoir des enfants. Et surtout, il fut à l'origine, avec son parti, de la loi sur la « lustration », une chasse aux sorcières dans laquelle les politiciens de son camp surenchérirent à tel point que même leurs partis s'entre-déchirèrent. Au final, dans un climat de suspicion délirant, 700 000 personnes ont été obligées de déclarer par écrit qu'elles n'avaient pas collaboré avec la police politique communiste.
Sur le plan de sa politique extérieure, Kaczynski se targuait de ramener la Pologne sur le plan international, et multiplia les rodomontades nationalistes, envoyant des soldats polonais en Irak et en Afghanistan, s'adressant à la Biélorussie et à l'Ukraine pour leur proposer une alliance antirusse. Sur le plan intérieur, ministres et élus se livrèrent à une impressionnante inflation d'inepties, comme par exemple les prises de positions de l'élu européen Roman Giertych, saluant en Salazar et Franco des pionniers de la lutte anticommuniste, dénonçant le darwinisme, ou encore publiant un ouvrage antisémite.
Mais derrière tout cela, il y avait surtout une excitation donnée en pâture aux éléments les moins conscients dans la population et dans la classe ouvrière polonaises. Il s'agissait de faire oublier que derrière les attitudes guerrières de leurs gouvernants, il y avait surtout des courbettes devant les capitalistes, les grands groupes européens comme leurs imitateurs en Pologne.
Et c'est bien pour cela qu'aujourd'hui Sarkozy, comme Obama ou Barroso, adressent leurs commentaires attristés sur la disparition de ces dirigeants polonais. Car ils savent bien qu'au-delà de leurs bigarrures exotiques et barbares, ils sont des leurs.
Nelly MEYER