Mayotte : la répression s’accroît20/03/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/03/2903.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mayotte

la répression s’accroît

Les barrages des collectifs Forces vives, qui ont bloqué l’île pendant plus d’un mois, ont été levés fin février. Mais que signifie le « retour à la normale » à Mayotte ?

Les attaques de l’État contre les pauvres ont repris de plus belle. Le nouveau préfet, proche de Balkany et Darmanin, joue à l’homme fort en affirmant dès son arrivée vouloir « faire du Wuambushu tout le temps ». Wuambushu est l’opération contre les pauvres et les étrangers menée au printemps dernier, à grand renfort de CRS et de gendarmes mobiles, pour détruire les bidonvilles et expulser des travailleurs vers les Comores voisines. Un Wuambushu 2 était annoncé et, contrairement à bien des annonces de l’État, celle-là a été mise en œuvre, avec zèle.

Le 5 mars, 200 personnes se sont retrouvées à la rue, à la suite de la destruction de leurs maisons de tôle dans le bidonville d’Hamouro. Les services de police se vantent aussi d’avoir raflé plus de 700 personnes sans papiers en dix jours. Parmi elles, combien de parents ont été expulsés aux Comores, obligés d’abandonner leurs enfants à Mayotte, ou de les confier à un proche qui a déjà du mal à joindre les deux bouts ? Cela, le tweet victorieux de la police ne le précise pas. Dans le même temps, les policiers réalisent une opération coup de poing contre les motos-taxis. En confisquant les motos, ils privent de leur seul gagne-pain les travailleurs étrangers qui ont déjà dû survivre sans pouvoir sortir de chez eux pendant plusieurs semaines, à cause des barrages.

Alors que la misère grandit toujours plus sur l’île, où près de 9 % des enfants souffrent de malnutrition, l’État choisit de mettre encore plus de moyens dans la répression. Pour ­assurer le « rideau de fer maritime » promis par Darmanin, des drones sont commandés. Contre les gangs, une nouvelle force de police est en cours de constitution « entre le Raid et la BAC », qui aura carte blanche contre les jeunes des quartiers pauvres, le préfet ayant déclaré à leur propos : « Il faut leur casser les reins, puisqu’ils veulent casser la République. » Cela n’arrêtera pas les bandes qui prospèrent sur la misère : 42 % de la population doit se débrouiller avec moins de 156 euros par mois !

Pour une fraction de la jeunesse sacrifiée de l’île, la seule issue semble être de rejoindre ces gangs, ou de se prostituer. La violence qui se déchaîne est le produit d’un ordre social qui plonge des milliers de travailleurs dans le dénuement le plus complet, pendant que des fortunes s’accumulent à l’autre pôle de la société.

Dans ce contexte, le rôle de l’État français apparaît crûment : alors qu’il laisse l’île s’enfoncer toujours plus dans la misère, il sort une matraque de plus en plus grosse, pour s’en prendre aux plus pauvres et aux plus précaires. Les travailleurs de Mayotte n’ont rien à attendre de sa politique.

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