Syrie : massacres et embargo12/03/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/03/P8-2_Cort%C3%A8ge_fun%C3%A8bre_de_miliciens_tu%C3%A9s_lors_des_massacres_du_87_mars_2025_%C3%A0_louest_dIdlib_C_O.Albam.jpg.420x236_q85_box-0%2C30%2C800%2C480_crop_detail.jpg

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Syrie

massacres et embargo

Trois mois après le renversement de Bachar al-Assad par une coalition de milices dirigées par l’ex-djihadiste Mohamed al-Charaa, 1500 personnes, dont près de 1 000 civils, ont été tuées les 6 et 7 mars dans la région à majorité alaouite de l’ouest de la Syrie.

Illustration - massacres et embargo

Ces massacres, accompagnés de chasses à l’homme sur des bases ethniques et religieuses, ont été perpétrés par les plus brutales des milices islamistes ralliées à al-Charaa. Ces troupes étaient venues mater une rébellion militaire organisée par des officiers du régime déchu de Assad, lui-même alaouite. Depuis qu’il est au pouvoir, al- Charaa a troqué sa tenue de djihadiste pour un costume-cravate. Il multiplie les appels à l’inclusion de toutes les communautés syriennes et au respect de toutes les minorités pour tourner la page de la guerre civile. Mais les troupes avec lesquelles il s’est emparé du pouvoir sont ce qu’elles sont : des brutes qui ont massacré et fait régner la terreur pendant des années.

Face à l’émoi suscité par ce massacre, al-Charaa a dénoncé « les exactions contre les civils » et nommé une commission nationale d’enquête supposée « traduire les coupables en justice ». Cela ne peut rassurer ni la population alaouite menacée, ni ceux, à commencer par les femmes, qui redoutent que le nouveau régime ne devienne une dictature religieuse intégriste. Al-Charaa est un seigneur de guerre qui s’est imposé à d’autres, mais son pouvoir et ses marges de manœuvre sont restreints. La Syrie, exsangue, affamée et détruite par treize ans de guerre, reste l’arène des rivalités entre les puissances régionales ou impérialistes.

Au sud, les milices druzes refusent de désarmer pour se fondre dans la nouvelle armée syrienne. Elles sont instrumentalisées par Israël, qui multiplie les bombardements et les incursions au prétexte de les protéger. Au nord-ouest, les milices de l’Armée nationale syrienne, armées par la Turquie, continuent de mener la guerre aux Forces démocratiques syriennes (FDS) à majorité kurde, pour reprendre le contrôle de plusieurs localités. Les FDS, jusqu’à présent soutenues et armées par les États-Unis, administrent de façon autonome le nord-est du pays. Le 10 mars, Mazloum Abdi, le chef des FDS, a signé un accord avec al-Charaa qui prévoit la fusion d’ici à la fin de l’année des institutions civiles et militaires du Kurdistan syrien avec celles du nouveau régime. Cet accord a été signé à la suite de fortes pressions sur les Kurdes, à commencer par celles des États-Unis.

Les dirigeants impérialistes américains, suivis par tous les autres, voudraient que le nouveau régime donne des gages de sa capacité à réunifier et à stabiliser le pays. Mais ils alimentent de fait le chaos et l’instabilité depuis des décennies. Dernièrement, l’arrêt du financement de l’USaid, décidé par Trump, se traduit en Syrie, en particulier dans les camps de réfugiés, par la fin de tous les programmes de santé, de distribution d’eau, d’aide alimentaire et des opérations de déminage. Cet arrêt brutal, qui s’ajoute à l’embargo américain maintenu malgré la chute d’Assad, rend infernale la vie quotidienne de la population. Dans tout le pays, les files d’attente s’allongent devant les boulangeries et les dispensaires. La pénurie de biens vitaux alimente l’inflation et la corruption. Des millions de Syriens ne peuvent quitter les camps de réfugiés car leurs maisons ont été détruites ou parce qu’ils restent menacés.

Sous ce nouveau pouvoir, qui ne lui donne d’ailleurs aucune garantie, la population risque de payer très cher les années de manœuvres et de guerre imposées par les grandes puissances.

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