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- Lutte ouvrière n°2176
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Editorial
Non aux attaques contre la retraite !
Le début des discussions entre les syndicats et le ministre du Travail, Éric Woerth, sur ce qu'ils appellent la « réforme » de la retraite, est noyé dans un flot de mensonges venant aussi bien des dirigeants politiques, tous bords confondus, que des médias et, au-dessus d'eux, du patronat.
Derrière les différentes recettes proposées par les uns et par les autres, tous partagent cette idée, comme l'affirme un quotidien à la une : « Retraite, la réforme indispensable ». Tous sont implicitement ou explicitement d'accord qu'il faut imposer aux salariés, soit de cotiser plus longtemps, soit de réduire directement ou indirectement le montant des pensions. Tous acceptent l'idée que, pour « sauver la retraite par répartition », il faut la réforme, ce qui aboutira à l'aggravation des conditions d'existence des salariés.
Pour ce beau monde, le déficit de la caisse de retraite - 7 milliards d'euros en 2009, 10,7 milliards en 2010 - est insupportable : il faut donc faire payer les salariés. Les désaccords portent sur comment faire.
Mais lorsque les banquiers se sont retrouvés avec des centaines de milliards de déficit, on n'a fait que parler de « réforme », mais on ne l'a pas faite. Mieux, les États ont déversé des centaines de milliards pour venir à leur secours !
Non, rien n'exige une aggravation des conditions de retraite des travailleurs ! Rien, si ce n'est la volonté de la classe capitaliste, dont les dirigeants politiques sont les exécutants, de réduire la part des vieux travailleurs pour accroître la leur.
Pour justifier l'injustifiable, on nous arrose de stupidités à longueur de journée. L'argument démographique, par exemple : puisqu'on vit plus longtemps, le nombre de retraités augmente par rapport au nombre d'actifs, c'est mathématique. Mais on oublie d'ajouter que le même nombre d'actifs produit quatre, cinq fois plus qu'il y a vingt, trente ans.
Si la richesse supplémentaire créée par l'accroissement de la productivité était consacrée ne serait-ce qu'un peu plus à ceux qui la produisent, il n'y aurait pas de problème de retraite.
Mais cette richesse supplémentaire est intégralement empochée par la classe capitaliste. Celle-ci ne s'en sert même pas pour l'investir dans la production en créant des emplois, elle la détourne vers les spéculations financières, catastrophiques pour l'économie.
Et on en arrive à cette situation folle, où on use plus longtemps les vieux travailleurs sur les chaînes de production, pendant que leurs enfants « tiennent les murs » dans les quartiers populaires.
En réalité, combien de patrons préfèrent se débarrasser de leurs vieux travailleurs avant l'âge légal de départ en retraite, c'est-à-dire avant d'avoir droit à une pension complète ? Repousser l'âge légal de départ est une façon hypocrite d'abaisser le montant des pensions.
Depuis la première « réforme » de la retraite, celle de Balladur en 1993, qui a imposé l'allongement progressif de la durée de cotisation à partir de 37,5 ans, chaque gouvernement a cherché à aggraver les conditions de retraite.
Ces attaques font partie des attaques contre les salaires. Elles ont contribué à ce qu'au fil des ans la part des salariés dans le revenu national n'a cessé de diminuer par rapport à la part des revenus du capital.
Ce n'est pas telle ou telle modalité de la « réforme » de la retraite qu'il faut refuser, mais la « réforme » elle-même. Ce n'est pas une question d'« arguments » dans les négociations entre les dirigeants syndicaux et le gouvernement. C'est une question de rapport de forces entre le monde du travail et le grand patronat.
Il ne s'agit pas de philosopher sur ce que serait une retraite juste. En réalité, la seule justice serait que ceux qui ont consacré une grande partie de leur vie à produire et à créer des richesses pour la société en bénéficient aussi bien pendant le temps où ils produisent qu'après, et que le montant des retraites soit celui des salaires. Mais cela ne pourrait se produire que dans une société débarrassée des parasites qui non seulement prélèvent leur part sans travailler, mais imposent aussi les règles sociales correspondant à leurs intérêts.
Pour le moment, il s'agit de se défendre. Cela signifie obliger le gouvernement à revenir sur toutes les mesures imposées depuis Balladur. Cela signifie imposer une retraite permettant de vivre. Avec l'interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous et l'augmentation automatique des salaires en fonction des prix, cela fait partie des objectifs indispensables des futures luttes ouvrières.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 12 avril